26 mai 2011

L’Exil intérieur



Bien sûr, le sentiment d’impuissance, face aux grands défis du monde posés aux nations désormais interdépendantes – sans que l’on sache précisément pourquoi – menace les peuples d’angoisses froides et constantes. Mais le vertige qu’il procure peut saisir aussi les puissants d’une peur soudaine qui paralyse. A y regarder de près le refus de Jacques Delors de se présenter aux élections de 1995 pour briguer le poste convoité de Président de la République française n’est pas si différent du renoncement indirect à la candidature suprême manifesté par le coup de folie de Dominique Strauss-Khan au sommet de sa gloire éphémère. Ce monde fait peur aux gens qui ont encore une certaine lucidité sur ce qu’il est. Seuls des inconscients, des dictateurs ou des bling-bling sans idéaux, prétendent encore aux postes de gouvernant.


Le monde est devenu ce monstre incontrôlable que la mondialisation débridée a créé hors des pistes balisées de la démocratie à dimension réduite. Celle que l’exercice de la souveraineté nationale permettait encore avant 1986 d’opposer au démesuré.


Les économistes de leur côté ont échoué à expliquer les phénomènes qui conduisent à la croissance comme clef du progrès humain. Ils ont échoué à justifier par les modèles et les constats que l’enrichissement d’un petit nombre puisse concourir au bien de tous. Ils ont échoué finalement à présenter en héros les modèles comme Bill Gate et G. Soros ou tous ceux qui, devenus milliardaires par l’accumulation indécente de richesses, se pavanent aujourd’hui à en distribuer un peu dans l’espoir décidément perdu d’être glorifiés de ce fait. Les héros sont ailleurs ! Les héros sont sur la place…


Les journalistes enfin ont perdu tout crédit dans leur acharnement à préserver l’ordre établi par des mensonges répétés. Ils sont devenus non seulement marginaux, mais désormais dans ce monde d'individus interconnectés complètement inutiles.


Le mouvement de repli est inéluctable ! La mondialisation dérégulée a échoué ! Le but de spoliation des richesses du tiers-monde qui a sous-tendu la création du GATT devenu OMC, par la tentative d'imposition de l’idée de spécialisation des productions ne sera jamais atteint. La grosse partie des pays du tiers-monde a émergé et celle qui reste encore à éclore, principalement l’Afrique et l’Asie centrale est désormais prise en charge par la première.


Les pays de l’OCDE ont désormais les caisses vidées par leur foi aveugle en Adam Smith. Ils ont récolté la tempête en retour du vent de violence qu’ils ont semé. Les Chinois ont retrouvé la fierté d’être chinois, les indiens retournent en masse chez eux devenu l’Eldorado des nouvelles technologies, les Brésiliens rayonnent en Amérique latine, les Russes triomphent à nouveau sans fanfare et le Mexique entend présider le FMI à la place de la France. Pour tenter encore un peu de résister comme ils peuvent à l'inévitable déplacement du centre du monde vers les pays émergents, les pays riches de l'OCDE bien qu'ayant des intérêts très divergents, lors de leurs rencontres bunkérisées et médiatisées, tentent par des alliances contre productives de conserver la direction des grandes institutions comme le FMI, la Banque mondiale, l'ONU, le G20. C'est le cas avec le consensus européen et américain qui semble s'établir sur la candidature de Christine Lagarde, pythie archaïque et surannée du libéralisme grotesque. Chants du cygne d'un monde en déclin gavé comme une oie régurgitant dans des spasmes violents ses richesses acquises au mépris de l'idée d'humanité.


Pour éviter l’explosion qui menaçait la paisible gouvernance, les pays européens ont par des lois scélérates divisé leurs populations en d’infinis groupes : privés-publics, jeunes-vieux, immigrés-nationaux, ruraux-urbains, piétons-automobilistes, hommes-femmes, etc.


On a favorisé la libre circulation des capitaux en restreignant autant que possible la mobilité des hommes.


Mais à quelque chose malheur est bon : les moyens de communication en absence se sont développés en particulier Internet et les forums sociaux.


Lentement mais surement, les citoyens arabes se sont séparés de leurs dirigeants jusqu’aux révolutions de jasmin. Lentement les citoyens des pays riches se sont exilés de leur gouvernants de droite ou de gauche jusqu’aux révolutions à venir.


Les peuples naissent enfin en conscience et globalement de l’exil intérieur forcé par la déréglementation financière injuste, inhumaine, sans âme et sans but qu’on leur a imposée par dogme. La nouvelle mondialisation anti dérégulation est en marche. Nul doute qu’elle aura sa part de violence et de pleurs. Je ne sais si ce sera un bien ou un mal. Mais il est certain qu’une certaine forme de renoncement et de spiritualité naitra de nos exils intérieurs interconnectés.


http://www.youtube.com/watch?v=qGaoXAwl9kw