31 mars 2010

Nashik un jour, une heure.


19 heures 10 Place Shalimar, ce mercredi 31mars 2010. J’attends le bus pour Nashik-Road. Les chauffeurs de Rickshaw, ceux-là mêmes que je déteste pour leur arrogance, leur absence de déontologie, leur mépris des règles élémentaires de conduite, leur habitude de cracher partout et surtout aux pieds mêmes de leurs clients, l’anarchie de leur tarifs, et bien d’autres choses encore, ces chauffeurs tournent et retournent en faisant vrombir le moteur de leur engin décrivant des 8 sur la chaussée rougie. D’autres haranguent le client en criant leur destination. La foule est amassée de part et d’autre de la barrière mobile posée récemment par les forces de l’ordre pour "canaïlliser" la circulation. Le but est atteint c’est le désordre qui règne désormais sur cette place où la foule est piégée comme les poissons dans une nasse de zinc. Les rickshaws font leur show.


Sur ma gauche, un peu à l’écart, un homme aux jambes atrophiées est assis sur la chaussée. Sa femme se tient en retrait assise elle aussi et entourée de deux gros sacs et d’une planche carrée à laquelle sont fixées des roulettes.

Les rickshaws tournent, appréciant d'un coup d'oeil, comme les serpents de rivière le risque inutile, le manque à gagner d'un tel encombrement. Les bus frôlent l’homme handicapé qui ne bronche pas.

Soudain, il accroche du regard le chauffeur d’un rickshaw qui s’est arrêté. Mes yeux ne peuvent quitter la scène. L’homme indique sa destination. Le rickshaw est complet. A l’arrière, cinq personnes sont déjà assises sur un banc qui ne devrait en recevoir que trois. Il indique au chauffeur qu’il y a aussi sa femme et les objets qui les accompagnent.



On aurait dit qu’à cet instant il n’existait plus personne sur la place qui ne regardait la scène. Chacun attendait de savoir. Ces monstres sans cerveaux qui conduisent ces engins diaboliques à trois roues, toujours en déséquilibre, n’avaient jusque-là prêté aucune attention à ce demi-homme immobile.



Je ne pouvais voir le visage de ce chauffeur de rickshaw. Seule l’extrémité de son bras gauche s’offrait à ma vue. L’Index de sa main légèrement recourbé montrait la planche à roulette. J’aurais préféré envisager l’inenvisageable, mais j’anticipais l’échec de cette triste tentative. Comment le rickshaw pouvait-il encore prendre ce chargement ?



Pourtant, combien de fois déjà mes yeux ont-ils vu se réaliser le miracle indien ? : Le yoga collectif ! Le miracle permanent de la solidarité et de la flexibilité corporelle. Il allait ici encore et quasiment naturellement se réaliser dans ce transport collectif. Ce petit véhicule jaune et noir sous les directives de son conducteur avala à l’avant la planche, un sac et l’homme handicapé qui rampa quelques mètres sur les genoux et les mains avant de s’assoir sans aide à côté du chauffeur. A l’arrière, le deuxième sac glissait entre les jambes des passagers et la femme trouva naturellement à s’assoir avec eux.



Evidemment !



Sans attendre le véhicule roulait déjà, disparaissant dans la valse des autres.



Incredible India !

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