06 janvier 2007

L’urgence d’une chambre d’agriculture libre

Quelque soit la Direction qui sortira des élections à venir à la Chambre d’Agriculture de la Lozère, elle sera confrontée à un quadruple challenge : anticiper dès maintenant les conséquences de la réforme incontournable de la Politique Agricole Commune (PAC), faire sortir la chambre de la soumission niaise et docile aux responsables politiques locaux, adapter la pratique agricole aux spécificités du département et enfin régler les lourds problèmes sociaux.
Si nationalement les conséquences annoncées par la Commissaire européenne à l’agriculture et par des membres de l’UMP sont, d’une part la disparition de 50 000 agriculteurs d’ici 2015 et d'autre part, l’obligation pour les exploitants d’avoir un deuxième métier, c’est proportionnellement en Lozère que ces effets seront les plus brutaux. Mais c’est surtout une façon honteuse de faire porter aux agriculteurs la responsabilité de l’inefficacité des politiques à réorienter utilement la pratique agricole.
Dans un pays qui emprunte chaque jour plus de 750 millions d’euros sur les marchés financiers pour faire face aux dépenses urgentes de l’Etat, il ne faudra pas compter sur d’éventuelles pressions pour obtenir de la France ce que l’Europe supprimera : les subventions.
Voilà plusieurs années déjà que la gestion de la Chambre aurait dû se libérer de l’allégeance malsaine au pouvoir local pour s’occuper exclusivement de l’intérêt des petits exploitants qui paient cash l’aveuglement et la surdité des responsables désignés par habitude.
Cet aveuglement qui a empêché d’entendre ceux qui criaient dans le désert qu’il y avait urgence à faire autrement, en faisant de la Lozère un département de « qualité totale », seule chance d’échapper à la catastrophe annoncée.
Nous devons désormais réformer urgemment, loin des appellations vides de contenu, les modes d’exploitation agricole de la terre lozérienne. Toute autre attitude s’inscrirait, par un manque de vision à long terme, dans une logique suicidaire, et serait inadaptée à cette période de surproduction européenne et de nécessité d’un rééquilibrage des échanges Nord-Sud.
En raison des spécificités de nos sols, des particularités de notre réserve en eau, de la géographie de nos territoires, et du climat de notre département, il n’y a aucune raison aujourd’hui à s’acharner à défendre un type de production qui dégrade l’environnement et nuit à la qualité. Je l’ai déjà écrit, notre atout ne sera jamais le prix bas. Aussi devons-nous, nous tourner résolument vers la qualité. Cette qualité ne doit pas être de façade, construite sur des appellations locales de complaisance pour des produits composés en grande partie de matières premières provenant d’Espagne, d’Italie ou d’ailleurs, dans un département où la baignade serait interdite en raison des pollutions et la pêche impossible par disparition des poissons, où l’on ferait n’importe quoi en n’ayant de leçon à recevoir de personne.
La nouvelle Direction de la Chambre devra avoir du courage pour défendre, contre les lobbies au service d’une minorité, une autre façon d’exploiter la terre dans l’intérêt du plus grand nombre et pour transformer la morosité ambiante, en espoir. C’est encore possible mais c’est urgent !
Notre unique chance d’échapper à la mort annoncée est de rechercher des productions locales typiques, dont l’essentiel de la valeur ajoutée devrait être le cadre même de la Lozère, pays des sources à protéger de la pollution qui n’est pas certes exclusivement agricole.
Nous devons protéger plus qu’ailleurs, grâce à un concours financier adapté, le bord des cours d’eau, assurer la préservation des zones humides et la qualité de l’eau en la protégeant d’une surabondance de nitrates.
Nous devons faire ces choses ensemble, avec les élus et les institutions du département et de la région, les associations de pêcheurs et de chasseurs, de protection de l’environnement, les professionnels du tourisme, sans attendre, le faire maintenant et le faire savoir.
Nous devons enfin, dès maintenant, prendre les moyens d’une libération progressive des exploitants des griffes sournoises des banques qui les maintiennent, avec la complicité de certains techniciens, dans la logique du surendettement clef de la domination de l’industrie agroalimentaire.
Mais le plus important est certainement ce que l’on passe sous silence et qui est l’aspect social de la question agricole :
Le fait qu'il n'y ait plus d'installations sauf des installations dans le cadre familial qui ne font que soutenir l'agrandissement donc la désertification de la campagne. L'agrandissement de ces exploitations provoque une rupture sociale pour l'agriculteur notamment pour les jeunes qui n’ont pas le temps pour les rencontres intimes et familiales à supposer qu’ils conservent le temps de vivre pour eux-mêmes. Il ne peut même plus y avoir d'entraide agricole puisque les paysans ont trop de travail chez eux. Comment ose t-on leur demander d’avoir un second métier ?
Il y a aussi une véritable misère sociale pudique et cachée mais réelle. La MSA coûte très chère pour un mode de calcul opaque qui exclut pour beaucoup les indemnités journalières pour maladie courte ou longue. Les aides au remplacement qui ne sont accordées que si l’on rentre dans le système politique départemental (Fédé + Groupama + crédit agricole).
Les restos du cœur nourrissent désormais dans le silence des campagnes, un gros pourcentage d'agriculteurs qui sont surendettés. Malgré la baisse des primes on leur a conseillé de faire de super bâtiments, acheter tout le matériel dernier cri. Ils sont devenus malgré eux des fonctionnaires au service des banquiers.
Pour sauver l’agriculture lozérienne, il y a aujourd’hui tant à faire avec une chambre enfin libre !
Alors chiche, que ça change ! Avec en cerise sur la tourbière préservée, la pluralité syndicale.