25 juillet 2009

Ni droite ni gauche ?

Un militant du PRG me disait récemment que pour lui le clivage droite/gauche était dépassé et qu’il fallait envisager autrement l’engagement politique. Il m’a semblé naturel alors, qu’ayant pour seule valeur une telle obscurité, l’appartenance dudit militant au PRG continuait de s’imposer dans l’état actuel de ce parti sous une direction spécialiste de la compromission et des tentatives d’alliances tantôt à gauche tantôt à droite dans un laps de temps qui défie la raison.

Ce mouvement de balancier propre aux partis mercenaires ne signifie pas que l’écart se réduise entre la droite et la gauche mais seulement que les partis de gauche ont été désertés en leur sommet par les idéalistes qui ont construit jusque-là notre République fraternelle. Ce vide provoqué par la paresse et la vision exclusive de la gestion des mandats a permis à l’opportunisme de s’agréger aux slogans de circonstances, pour des victoires à la Pyrrhus. On les reconnaît pourtant aisément ceux qui ne s’inscrivent à un parti politique qu’à la suite d’un long calcul sur les opportunités que celui-ci, en raison de la configuration locale des forces en présence, est susceptible de procurer à l’accession à un mandat rémunérateur. A la tribune ils ne disent rien d’essentiel, sourient niaisement au président du parti et se hâte de publier sur leur blog, le soir même, la photo de leur minute de gloire.

Mais la logique de l’affrontement droite/gauche est-elle devenue obsolète aujourd’hui en raison du triomphe d’une pensée politique unificatrice et carriériste ?

Trouverait-elle ses appuis dans cet autre point de vue selon lequel l’histoire serait finie ?

Absorbée par le trou noir du libéralisme triomphant qui dévore tout irrésistiblement comme en témoignerait la facilité avec laquelle Nicolas Sarkozy absorbe les personnalités réputées de gauche dans son gouvernement patchwork ?

Toute résistance serait alors vaine pensent ces vendus, et il s’agirait de trouver la bonne posture pour céder sans paraître rien concéder mais en justifiant son renoncement déshonorant par l’état de nécessité et le service de la nation. Alors, si toutefois on est choisi comme le symbole d’un passé révolu, le trophée inespéré de la droite ringarde, on sera placé bien en vue d’une caméra, sujet aux moqueries populaires certes, bâillonné et menotté derrière les vitres teintées d’un ministère médiatique probablement, au musée d’un gouvernement de pacotille sûrement, mais on serait bien payé d’une telle trahison de cet argent qu’aux partis de gauche seuls ceux qui savent combiner se remplissent les poches, comme l’actualité nous en montre les cas topiques.

Je dois avouer que je connais néanmoins beaucoup de jeunes idéalistes et motivés que passionnent l’engagement politique au service du peuple. Ce sont les héros d’une armée sans chef, combattants égarés dans les couloirs des congrès et des universités d’été que le temps abîme peu à peu. Faut-il leur dire qu’il n’y a rien à faire, que les choses sont jouées d’avance, que l’histoire est finie ? Qu’il n’y a effectivement ni droite ni gauche parce que d’affreux lâches préfèreraient qu’il en soit ainsi ?

Loin de là ! La nécessité d’une pensée résolument de gauche et active est d’une brûlante actualité. La nécessité d’un engagement clairement à gauche c’est-à-dire aux côtés de ceux qui souffrent, des faibles, des pauvres, des travailleurs, des libertés fondamentales et non du libéralisme, en faveur de la préservation et du renforcement des systèmes de protection sociale (droit du travail et sécurité sociale), des sûretés, est plus que jamais urgente.

La lutte des classes n’a jamais été aussi intense et sournoise. Le grand nombre autant sacrifié aux intérêts de l’élite ayant perdu définitivement la conscience citoyenne dans un système où l’Etat de Rousseau a triomphé de celui de Hobbes, sans la répartition des prérogatives qu’il était censé opérer. L’abandon des prérogatives au tyran sans les contrepouvoirs efficaces, que sa crainte aurait dû au contraire multiplier, par cette sorte de naïveté rousseauiste le peuple a perdu le droit de dire le droit !

Mais c’est plus qu’une simple pétition de principe qu’il faut aujourd’hui, pour en revenir au clivage protecteur entre la droite et la gauche. Plus que le choix d’un positionnement physique dans l’hémicycle. Il faut en revenir à la construction d’un programme de gauche, de partage des richesses produites et de reconquête des libertés sacrifiées sur l’autel de la lutte mensongère des civilisations.

Il n’est pas utile de rappeler combien la violence de ce gouvernement a depuis deux ans, porté atteinte concrètement et méthodiquement aux éléments fondamentaux de la solidarité nationale, de la cohésion sociale. L’actualité nous confirme la marche forcée qu’opère ce gouvernement vers la marchandisation de l’humain dans une logique libérale de mondialisation cynique. Peu importe la remise en cause de nos principes constitutionnels, peu importe l’impossible mariage du travail et de la famille, peu importe même l’enfance jusque-là sacré et protégé par l’espoir d’un meilleur avenir, ce qui compte dans cette jouissance dégoulinante de bling-bling n’est-ce pas le présent iconoclaste ?

Contre cet outrage à la nation, il faut une Gauche qui soit fière de l’être, porteuse d’un idéal de fraternité pour combattre, plus que la droite, ceux qui aux marges de la gauche même, pensent qu’il n’y a plus rien à faire contre ce capitalisme du désastre selon le mot de Naomi Klein. Contre ceux qui, comme Jacques Delors en 1983, dès les premières escarmouches, sacrifient le peuple et les travailleurs aux intérêts du capital en désindexant les salaires sur l’évolution du niveau de vie pour converger vers les "stricts" critères de Maastricht adoptés en 1991 et l’on sait ce qu’ils sont aujourd’hui devenus, pour sauver les riches ! Contre la gauche caviar qui se planque quand il s’agit d’assumer les responsabilités de gauche par manque de vision, par manque d’idéal.

Qui aurait pensé, il y a juste quelques mois, que les dispositions des accords de branche prévoyant des durées de période d'essai plus courtes que la loi, ne pourraient plus s'appliquer ? C’est le cas aujourd’hui ! Qui trouve cela scandaleux, aux antipodes de ce qu’a été l’ordre public social ? Qui aurait pu penser qu’on en viendrait presque naturellement à instaurer la généralisation du travail le dimanche sans contrepartie financière ? C’est le cas aujourd’hui !

On pourrait multiplier les exemples concrets qui révèlent une atteinte systématique aux systèmes de protection. Mais ce qu’il importe de souligner c’est qu’avec la paupérisation du plus grand nombre, le refus de contribution à proportion des plus riches, la faillite organisée de l’Etat dont la dette avoisinera les 100 % du PIB en 2012, c’est vers une société de répression que nous nous dirigeons pour tenter de contenir toutes les révoltes à venir. Celles qui commencent à s’exprimer dans les entreprises avec les bonbonnes de gaz médiatisées ou par les suicides plus silencieux.

Sans une prise de conscience immédiate de la nécessité de revenir aux fondamentaux d’une pensée politique de gauche en vue d’établir un gouvernement durablement de gauche, fier de servir un idéal de fraternité avant les absurdes lois des marchés financiers, nous continuerons à enregistrer, électoralement, le mépris justifié du peuple.

Et ce n’est pas seulement parce que l’avenir du monde est à gauche en raison de l’échec manifeste du libéralisme qu’il faut être fier d’être à gauche et le dire. Ce n’est pas non plus parce que les signes de l’imminence de l’effondrement total du système libéral sont flagrants malgré les tentatives désespérées de le sauver de la crise des subprimes et le répit obtenu par le prélèvement des sommes colossales aux plus pauvres à cette fin, qu’il faut être fier d’être à gauche et le dire. C’est parce qu’il est honorable de défendre le faible contre le fort, honorable de défendre la liberté et la justice, honorable de défendre la fraternité par la solidarité, qu’on doit revendiquer d’être encore et pour toujours de gauche !

4 Comments:

At 9:53 AM, Blogger Thaelm said...

Oui, bien sur, les notions de droite et de gauche ont un sens
mais pas à la surface du mille feuille
là où des professionnels de la chose politique (ce qui est un non sens du point de vue de la démocratie) mangent la couche sucre glace qui le recouvre
les uns à gauche les autres à droite
sans se disputer réellement de (faux)territoires idéologiques.

 
At 1:07 PM, Blogger Joël YOYOTTE-LANDRY said...

Je partage ce point de vue. C'est l'objet même de mon texte ! Mais il ne faut pas oublier que les partis de gauche (les seuls qui m'intéressent) possèdent en leur sein des jeunes de grande valeur qui meurent souvent en "couche" ou vieillissent en marge et auxquels il manque si peu pour grandir en héros.

 
At 10:48 PM, Anonymous gauchedecombat said...

voila un discours qui me plait assez... je comprends plutôt bien que vous ayez quitté le PRG...

mon avis sur le sujet :

http://gauchedecombat.wordpress.com/2009/07/30/ma-gauche-a-moi/

 
At 10:07 PM, Blogger Joël YOYOTTE-LANDRY said...

(à Gauche de combat)

Cher ami,

Je me permets cette appellation tant je partage vos convictions exprimées dans le billet que vous m’avez invité à lire, souscrivant pour l’essentiel et sans peine jusqu’à la conclusion finale que je pourrais même bientôt faire mienne.
Cependant, la Gauche dont vous décrivez les qualités, celle qui est enracinée dans l’histoire, dans la recherche de la préservation et du rayonnement de tous les aspects de la dignité humaine, devrait faire l’économie de la caricature dont elle est elle-même victime. Elle devrait considérer que la bannière sous laquelle elle désire voir se rassembler tous les hommes de bonne volonté, la préservation de la dignité humaine, est universelle, comme le dit si bien Maurice Nadeau dans Grâces leur soit rendues. Mémoires littéraires : « Cette dignité n’est ni morale ni philosophique ni même métaphysique, elle est d’ordre biologique…la condition animale à laquelle on veut réduire le déporté n’est qu’apparence. Le SS sait qu’elle n’est qu’apparence et c’est là, au sommet de sa puissance, qu’il remâche sa défaite : la mutation biologique refuse de s’opérer ».
Ainsi quand vous écrivez, je cite « Là où la droite a comme valeur transcendantale la place de Dieu ou le marché (« Dieu est grand et l’argent et son prophète » – Okakura Kakuso), la gauche privilégie la place de l’être humain, et l’intérêt collectif ». Et encore : « La place de la religion, à l’UMP comme au PS n’est en effet pas anodine pour entretenir un certain flou… et une certaine proximité(…) Ma gauche à moi est également davantage préoccupée de la question du logement social, et de la place que les communes (même de gauche, hélas) réservent à nos concitoyens parmi les moins aisés, surtout en période de crise », vous opérez de facto, mais je le crois sans en avoir conscience, une sélection restrictive des libertés fondamentales que la gauche historique a posées comme fondement de notre République si biologiquement humaine ! En rassemblant la Droite jusqu’à la « gauche athée ou agnostique» Nicolas Sarkozy, je le dis avec tristesse, vous montre la voie !!!

 

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