28 mars 2009

La sagesse des "morts" !

Leur sagesse est dans la force de l’âge, elle ne parle guère, et quand elle parle, elle ne dit pas un mot plus haut que l’autre. Elle ne prend pas partie, elle ménage ses intérêts. Elle gère l’audimat. Elle sourit à tous. Elle est contente de tous également. La sagesse prospère sur le cadavre des innocents, mais elle ne tue personne. Elle ne juge ni le meurtrier ni la victime. Elle estime qu’elle n’en a pas le droit. Pour qui se prendrait-elle si elle le faisait ? Oh non ! Elle est modeste. Elle ne regarde pas l’injustice de peur de se tromper d’analyse. Elle ne distingue pas l’ivraie du blé. Elle ne juge pas.

Elle ne donne pas à manger à l’affamé, car elle n’a pas de réaction intempestive. Elle sait que quelque part il y a quelqu’un de certainement plus affamé encore, qui ne s’est pas encore manifesté. Mais elle sait qu’il existe. Alors, elle lui réserve le pain avec fierté, audace et persévérance ! Elle anticipe en somme. Elle agit par précaution…

Elle n’est ni froide ni bouillante. Elle est tiède ! Elle sait que la vie est précieuse alors elle préserve la sienne. Elle sait que la mission pour laquelle elle se réserve sera dans le lointain futur d’une extrême importance. Elle soigne sa monture.

Elle ne crie pas dans les rues, elle n’élève pas sa voix dans les places. Elle ne crie pas à l’entrée des lieux bruyants. Elle ne recommande pas aux stupides d’apprendre le discernement et aux insensés d’apprendre l’intelligence. Elle ne donne de leçon à personne. Elle ne boit pas de vin après son pain levé. Elle ne dit pas grand chose, elle ne voit presque rien, elle n'entend rien.

Leur sagesse se regarde dans le miroir et se trouve belle ! Cette attitude de neutralité qui la caractérise l’a épargné des rides de l’anxiété et elle reconnaît qu’elle apporte aux autres par la beauté de son visage, un peu de bonheur artistique. C’est un peu comme de l’art.

Leur sagesse a perdu les illusions et les colères de l’enfance, elle n’a pas encore les crises de la sénilité et les désillusions rageuses de la vieillesse.

Alors, elle ne se révolte jamais. Si elle parle, c’est toujours sur un ton neutre, posé, tranquille, elle ne s’émeut de rien, elle dit souvent : « patiente encore un peu ! ».

Leur sagesse est parfaite ! Elle est contemplative. Elle ne crie pas au milieu des places, elle n’attire pas l’attention, elle ne renverse rien. Elle ne s’oppose pas à l’élargissement du comptoir des changeurs. Elle ne dit jamais : menteur, hypocrite, race de vipères, sépulcres blanchis, conducteurs aveugles, insensés. Non ! Non ! Elle laisse l’usage de ces mots aux fous.

Leur sagesse est d’une grande, belle et mortelle politesse !