08 mars 2009

Le ridicule ne tue pas !

Le parquet de Paris (!), aurait demandé l’ouverture d’une enquête contre le leader du LKP Elie Domota, pour provocation à la haine raciale, au motif qu’il aurait dit que « ceux des patrons (majoritairement du MEDEF), qui ne signeraient pas l’accord sur les salaires (ce dont la presse a donné largement écho), devraient quitter la Guadeloupe ». Une version économique du fameux nettoyage au karcher d'un certain Nicolas Zarkozy.
Nous avons entendu des propos plus chargés de racisme que ceux du leader du LKP et provenant eux de la part des descendants d’esclavagistes qui le sont restés dans l’âme et impunis dans les faits.

L'objet du litige est un accord portant sur une augmentation de 200 euros pour les salaires les plus bas, c’est-à-dire moins de 1,4 SMIC dans un département où la moyenne des salaires est inférieure de moitié à ceux de la Métropole. Les patrons prenant à leur charge moins de la moitié de cette somme.

Je ne connais pas Elie Domota et je ne suis pas indépendantiste (parce qu’il paraît qu’il l’est et que le but qu’il poursuit c’est l’indépendance). Mais je constate que le ridicule de cette poursuite judiciaire, si elle est avérée, n’a d’égal que la violence, le racisme, la perversion, l’arbitraire dont ont toujours fait montre les services de l’Etat dans ces départements. Je crains (je devrais dire heureusement) que cette fois le ridicule l’emporte sur la terreur que pouvaient causer en d’autres temps les menaces brandies par l’Etat, souvent exécutées avec la complicité des tribunaux coloniaux. Bien sûr, nous savons aux Antilles et dans les anciennes colonies, que les héros de la Métropole de 1967, ceux que l'on appelle volontiers des grands hommes ne le furent en réalité et seulement que par la taille. Ce qui est déjà pas mal à l'échelle d'aujourd'hui (si je peux m'exprimer ainsi) et qui explique peut être qu'au plus haut niveau de l'Etat, la vision soit si courte maintenant et sur tant de sujets !

Quoiqu'il en soit, nous ne sommes plus aux temps des peurs archaïques où les gendarmes et policiers noirs se laissaient désarmer avant le massacre des révoltés contre l'injustice et où la population était elle-même désarmée. Aujourd'hui, qu'on prenne garde, les pacifiques et les modérés pourraient bien être sans délai du côté des "extrémistes". Nous ne sommes plus aux temps où la seule mention d’une velléité d’indépendance constituait un crime puni, sans violentes répliques, dans la grotte d’Ouvéa ou d’ailleurs. Personnellement, entre un vilain indépendantiste et un gentil colon esthétiquement esclavagiste, je choisirai sans hésiter le premier.
Enfin, il se pourrait que les violences antillaises ne soient que les prémices de violences plus vastes, plus longues, plus douloureuses et plus proches et auxquelles il serait imprudent d'offrir déjà des martyrs...

Mais le ridicule ne tue pas encore ! Alors, que le gouvernement de la République en reste au ridicule de sa poursuite judiciaire, de sa tentative d'intimidation, de ses effets de communication à l'adresse de la partie fasciste de son électorat, pour l'instant ça ne mange pas de pain !

JYL


En complément, quelques propos d'Alain sur les pouvoirs :

" ...Je voudrais que le citoyen restât inflexible de son côté, inflexible d'esprit, armé de défiance, et toujours se tenant dans le doute quant aux projets et aux raisons du chef. Cela revient à se priver du bonheur de l'union sacrée, en vue d'éviter de plus grands maux... Exercer donc un contrôle clairvoyant, résolu, sans coeur, sur les actions et encore plus sur les discours du chef. Communiquer à ses représentants, le même esprit de résistance et de critique, de façon que le pouvoir se sache jugé. Car, si le respect, l'amitié, les égards se glissent par là, la justice et la liberté sont perdues, et la sécurité elle même est perdue. Il n'y a aucune raison pour que l'homme qui s'élève gagne les vertus qui le préserveront de trop se croire; il y a beaucoup de raisons pour qu'en s'élevant il perde ces vertus, même s'il les a. Ces réflexions amères, mais utiles, donnent une idée de l'esprit radical, très bien nommé, mais encore mal compris par ces âmes faibles qui ne savent pas obéir sans aimer. Es-tu content lecteur rugueux ? Non, peut-être. Je ne demande pas si le pouvoir est content. Il n'est jamais content; il veut tout.
12 juillet 1930

"... Ennemis du peuple ? J'appelle ainsi ceux qui pensent que la révolution fut une folie, que le peuple ne connaît nullement son propre bien, qu'il faut le ramener à l'obéissance, et le conduire à ses destinées d'après les lumières supérieures, (...) mais qui sont invisibles à vous et à moi, au commerçant, au paysan, à l'ouvrier, à tous les petits. Là dessus on peut rire, car le peuple est à ses prétendus chefs comme un terrassier à un enfant; il est très sain de rire; mais enfin les récents évènements ont prouvé que les esprits enfants, ceux qui se trompent à tout coup et sur tout, ont plus d'un moyen de nous passer la bride. Et tant que nous n'aurons pas compris le jeu, nous perdrons.
Juillet 1931